J'aime
l'incertitude.
Ceux qui me connaissent,
viennent d'éclater de rire à ces quelques mots; je les comprends, je ris aussi. Je ne
parle pas de cette incertitude provenant du mensonge, du doute, de cette fragilité
que l'on redoute. Non. Je parle de ce
moment suspendu dans les airs, de celui où rien n’est encore décidé, celui où l’univers
retient son souffle un instant pour ne pas influencer ce qui suivra. Le moment
qui précède, le moment « juste avant ».
Juste avant
l’orage, quand l’humidité a étendu sa pesante couverture qui camouffle les sons
et la lumière; mais qui éveille notre attention juste avant que le ciel de soit
pourfendu par l'éclair accompagnée d'un tonnerre retentissant.
Le moment
en suspension, le moment funambule.
Celui où l’on fini de se relire (pour la centième fois) avant de peser sur « envoi ».
L’instant précis où tout se relâche dans notre corps avant que le sommeil ne nous ravisse pour nous emporter dans des endroits à cent lieues de notre quotidien. Cette seconde exacte ou dire « Bonne nuit » devient impossible et appartient déjà à l’instant passé.
Le moment en suspension où l’on va aborder une personne que l’on croit avoir reconnue et le bref instant suivant pendant lequel cette personne étudie notre visage avant de s’éclairer d’un sourire qui dit : « Je te vois, maintenant. »
L'abandon, juste
avant le premier baiser, quand le cœur qui battait comme un oiseau-mouche se
pose enfin pour donner aux amoureux le courage de leur envie. Ce moment suspendu, les lèvres tendues, où l’on
voit défiler les possibilités d’une vie qui n’a pas encore existée; où tout est
encore possible.
L’éclair
dans l’œil juste avant d’éclater de rire entre amis complices ou celui pendant
lequel on se rend compte que son auditoire est captif.
Le répit, juste avant
de trouver la solution à un problème de longue date sur lequel on vient de
lâcher prise; le moment où cette solution nous arrive enfin par la voie dorsale
et remonte en un éclair jusqu’à notre conscience. Le moment avant le : « Enfin, je sais…»
J’aime l’incertitude
parce qu’elle est vivante dans le moment présent, elle n’en déborde jamais,
elle fait prendre conscience des millions de possibilités. Elle nous absorbe complètement avant de nous
relâcher, éblouis, encore dans le moment présent, suivant. Celui-là même où tout devient possible, où il
n’y a plus de retour en arrière, où l’on est forcé de choisir : rester sur
place ou avancer. Peu de temps pour
réfléchir, pour le doute; l’âme a déjà choisi.
Étirer cet instant et l’égo prend la parole, déposera la pétition du
doute et du non-progrès.
Apprendre à
aimer l’incertitude, l’anti-définition.
Se servir de son pouvoir créateur, illuminer le monde de sa
présence. Être un phare, ne jamais
bouger de l’instant présent. Communiquer
l’étincelle de vie.
Aimer l’incertitude…