vendredi 9 juin 2017

La mort, le deuil, la vie.

Ce soir, j'ai participé à un événement pour encourager un organisme qui vient en aide aux jeunes qui vivent le deuil d'un parent.  C'était un souper spaghetti tout ce qu'il y a de commun dans le milieu, mais le sujet m'a touché personnellement puisque j'ai tout récemment perdu une figure de mère. J'ai encore ma mère près de moi, mais en cumulant les deuils d'autres proches, j'apprends que la vie est volage.  Elle se donne et s'arrache aux grés de ses caprices et personne, pas même les meilleurs médecins, n'y peuvent quoi que ce soit.  Elle est libre et détermine arbitrairement le début et la fin, donnant la main à la mort au moment choisi, comme dans une course à relais.

Je ne sais pas ce qui se passe au moment de mourir ou après que notre décès soit constaté.  Je n'ai pas de diplôme en théologie mais je refuse de croire que c'est le noir complet.  Tout ça pour ça, non, sérieusement? Non, merci.
La personne dont je parle en intro a été foudroyée par un (foutu) cancer en l'espace de quelques mois. Pour moins souffrir, j'ai pensé que si elle avait été rappelée si rapidement, c'était sans doute parce que sa mission était complétée ici et qu'on avait immédiatement besoin d'elle ailleurs. Comment cela pourrait-il en être autrement?  Pourquoi une personne pleine de bonté et de sagesse pouvait-elle mourir si jeune et si rapidement, sinon? Ça me fait du bien de penser qu'il peut y avoir une raison positive derrière sa mort...une noble cause spirituelle, par exemple.

Sa vie l'a donc quittée avant sa mort. Ça, on ne l'avait pas vu venir.
C'est incroyable comme l'âme ou l'essence (appelez ça comme vous le voulez) anime une personne. Lorsque le corps est plongé dans le coma, le pont entre le terrestre et le divin s'affaisse, affichant la rupture.  Je n'ai pas honte de vous raconter que j'ai figé devant ce corps comateux, à mille lieues de cette personne vive d'esprit et pleine de vie que j'avais connue.  Les derniers instants de souffle... sans discussion possible. Les derniers adieux, sans échange. J'ai hésité puis j'ai demandé un peu d'intimité, parce que j'avais besoin d'exprimer à haute voix ce qui me venait et que la présence des autres me gênait. Je me félicite encore d'avoir demandé. Comme si c'était naturel, ils m'ont laissée seule avec elle. J'ai rompu le silence et j'ai commencé à murmurer.  Je me suis dit qu'elle devait encore être tout près et qu'elle m'entendait sûrement. J'ai tout déballé. Je me suis excusée pour toutes les fois où j'ai été silencieusement odieuse avec elle, de toutes les fois où je n'ai pas tenu compte de ses sentiments par manque d'empathie.  Ensuite, je l'ai remerciée pour tout ce qu'elle avait fait pour moi, pour toutes les fois où j'ai pu compter sur elle, pour son amour inconditionnel et pour les chances qu'elle m'avait données d'avancer. J'ai enchaîné dans les confidences puis dans les promesses, pour terminer avec: «Au revoir, je t'aime».  Seulement alors, j'ai réalisé que je ne lui avais jamais dit ces mots.  Elle savait probablement, mais j'allais devoir vivre avec le regret de ne jamais avoir prononcé les mots:«Je t'aime.»

Lorsqu'on tape ''étapes'' dans la clef de recherche du grand et omniscient Google, le premier choix qui s'offre à nous est: étapes du deuil. La mort fait partie de la vie. Je ne suis pas la première ni la dernière personne à perdre un être cher.  Peu importe notre âge, peu importe la façon dont l'être cher s'en va, il n'en demeure pas moins que le deuil s'immisce sans invitation. On le chasse dehors, ce maudit deuil qui nous fait souffrir, nous fait regretter et nous transforme contre notre gré. C'est un agent du changement brutal, c'est un «vide-plein», un «trop-sans».
Peu importe le chemin qu'il a pris pour nous rejoindre, peu importe le temps qu'il lui a fallût, il s'abat silencieusement, nous laissant souvent sans mot bien assortis pour le décrire. Il efface nos points de repères et nous vole nos espoirs.  En plus, il prend son temps, il lambine, il joue à cache-cache. Il se cache derrière: la colère, le déni, la tristesse, travailler trop, dormir plus que nécessaire, toutes les distractions que l'on peut utiliser pour fuir cette nouvelle réalité sans l'autre. Comme dit Brassens :

Oui mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l'eau ne se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore

Chaque fois que j'ai perdu quelqu'un, je souhaitais courrir vers la fin de cette étape sordide. C'est un rite de passage, une évidence que j'accueil et qu'il m'appartient de transcender.  L'acceptation de la mort de l'autre, l'acceptation de voir une partie de soi (la vie partagée) s'envoler et le lâcher-prise pour continuer à vivre.

J'ai peu de regrets.  J'ose espérer que j'en aurai encore moins demain parce que j'aurais pris les actions nécessaires à ne rien laisser d'important en suspens avec ceux que j'aime.  Rien de regrettable, tel que ne jamais avoir dit:«Je t'aime».


1 commentaire:

  1. Je suis un peu en retard mais je tenais à te présenter mes condoléances pour la perte de cet être cher pour toi. Et ton texte est magnifique, profond et sensible, comme toujours.

    Et tu as raison, on doit tout faire pour ne rien laisser en suspens et surtout, ne jamais hésiter à dire "je t'aime", quitte à le dire trop souvent! Bien sûr nos gestes, notre attitude et notre simple présence à l'autre démontrent notre amour, mais l'impact des mots est très fort et ne doit pas être négligé!

    RépondreEffacer

En VEDETTE

Le premier amour du corbeau sur la neige

Pinterest corbeaux Il y a quelques semaines, je suis retombée sur des poèmes que j'avais écrit à l'adolescence.  Un en parti...